Soupçons de fraude électorale portant notamment sur le déroulement et le résultat du dépouillement de l’élection présidentielle du 19 décembre 2012 et plainte déposée le 4 janvier 2013 par les citoyens coréens mobilisés contre la CCCE (Commission Centrale de Contrôle des Elections)
Le 19 décembre 2012 a eu lieu en Corée du Sud la dix-huitième élection présidentielle. Park Geun-Hye, candidate du GPN (Grand Parti National, conservateur) et fille du dictateur Park Chung-Hee (1917-1979), remporte contre son adversaire, Moon Jae-In du PDU (Parti Démocratique Uni, centre gauche). Ce résultat signifie que le pays va être dirigé pour la première fois par une femme mais, ironie de la situation, les deux pays de la péninsule coréenne, le Sud comme le Nord, seront dirigés par des descendants de dictateurs.
Cependant, malgré le silence de grands médias coréens (voir la fin de ce texte sur le silence des médias) et étrangers, les résultats ont suscités beaucoup de scepticisme et des contestations au sein de la population qui allait s’exprimer sur les réseaux sociaux et en particulier sur Twitter. Des nombreuses irrégularités, des autorités qui ne respectent pas la loi électorale sud-coréenne, et un débat très intense mobilise les citoyens : – sur le nécessaire recomptage manuel des votes ; – sur la réalité de la victoire de Park Geun-Hye ; – sur le caractère organisé et prémédité de la fraude.
Le parti perdant, le PDU, reste pour le moment très prudent, au grand désarroi des citoyens mobilisés, et n’a pas encore officiellement dénoncé la fraude et contesté les résultats.
Le prochain rassemblement est prévu pour le samedi 12 janvier.
Un dépôt de plainte a été effectué le 4 janvier 2013 pour un procès contre la CCCE (Commission Centrale de Contrôle des Elections) concernant les nombreux cas de fraude relevés lors des scrutins, l’utilisation d’appareil de dépouillement informatique (article 5 de l’Annexe de la Loi électorale) et l’omission du dépouillement manuel (article 178 de la Loi électorale) (voir les photos du dossier de la plainte :
http://cafe.daum.net/electioncase/EzjK/594). Ce procès pourrait faire annuler cette élection présidentielle.
Différents problèmes lors de ces élections relevés par des citoyens mobilisés
- Le dépouillement par la seule voie électronique : une infraction à la loi électorale
Selon la loi électorale sud-coréenne, on ne peut pas utiliser le dépouillement informatique pour une telle élection. Les erreurs dues au mauvais fonctionnement de ces appareils ont été déjà rapportées avant cette élection présidentielle (élections législatives d’avril 2012). Des votes pour le parti opposant ont été découverts, soit classés comme votes pour le parti majoritaire, soit invalidés. C’est pourquoi des citoyens se sont indignés contre l’utilisation de la machine pour le dépouillement. Sur ce point, la CCCE répond que les machines en question étaient de simples machines de tri des votes, alors qu’elles sont reliées à un système informatique interne. Il aurait fallu, de toutes les façons, un dispositif supplémentaire pour trier des votes selon un tri manuel.
Lors du dépouillement de cette élection, le nombre des votes sortant de la « machine du tri » était immédiatement comptabilisé sur ordinateur et annoncé publiquement comme résultat du dépouillement. Ce que demandent ces citoyens mobilisés, c’est justement le dépouillement manuel. Une pétition est actuellement ouverte sur une page du site de la Maison Blanche, « Your Voice In Our Government » (voir la fin du texte pour signer la pétition : 25,000 signatures nécessaires jusqu’au 28 janvier 2012).
- Des soupçons d’irrégularités !
Tout d’abord, lorsque 35 % des votes furent dépouillés, les trois principales chaînes de télévision (toutes trois proches du parti au pouvoir) annoncèrent en direct la candidate Park Geun-Hyé comme « vainqueur certaine ». Mais ce qui le plus troublant, c’est qu’à partir de 68% des bulletins dépouillés et ce jusqu’à 100 %, l’écart entre les deux candidats n’a plus varié (51,6% pour la candidate Park du parti sortant et le 48% pour le candidat d’opposition Moon). Autrement dit, l’écart est resté le même, à la décimale près, avec 10 millions de bulletins supplémentaires.
- La CCCE dénoncée pour son laxisme, un laxisme qui fait penser à la couverture de fraudes
La CCCE avait déjà été l’objet de sévères critiques de l’opposition lors de la dernière Législative du 11 avril 2012 en raison de son mauvais contrôle de l’élection.
Lors du dépouillement de cette présidentielle, la CCCE a, par exemple, passé sous silence les problèmes de « votes en liasse »,
mungchipyo, plusieurs bulletins de votes pliés ensemble. De nombreux témoignages ont également signalés des problèmes liés à la position du sceau sur les bulletins : des bulletins qui devaient être annulés parce que le sceau avait été posé entre deux candidats ont été comptabilisés pour Park ; des bulletins marquant clairement des votes pour Moon ont été comptabilisés comme nuls (voir la photo à la fin de l’article :
http://news.zum.com/articles/5055776)
LE SILENCE DES MEDIAS NATIONAUX ET INTERNATIONAUX…
Le paysage des médias sud-coréen est majoritairement maîtrisé par des personnalités proches de l’actuel gouvernement du conservateur Lee Myung-Pak, président dont le mandat touche bientôt la fin. L’interventionnisme du gouvernement de Lee Myung-Pak dans les médias a été particulièrement important pendant son mandat : les deux directeurs de MBC et de KBS, les deux chaînes majeures de la télévision, ont été remplacés par les personnages de droite et de pro-gouvernementaux. Globalement, la période Lee Myung-Pak (du même parti que Park Geun-Hye, un président coréen ne pouvant faire qu’un seul mandat) a été marquée par l’affirmation croissante de la tendance progouvernementale dans l’ensemble des grands médias.
Cette situation a déclenché en 2012 des grèves sans précédent de 170 jours à MBC et 95 jours de grève à KBS. Les grévistes réclamaient un média équitable et impartial et surtout la démission de leurs patrons « parachutés » par le gouvernement Lee Myung-Pak. La fin de ces grèves a été suivie de licenciements et mutations-punitions tous azimuts. Selon le SNJ (Syndicat National des Journalistes), durant les cinq dernières années du mandat de Lee Myung-Pak, 20 journalistes ont été licenciés, 135 journalistes ont été suspendus de leurs fonctions, les salaires des 66 journalistes ont été réduits en guise de punition, 120 journalistes ont fait l’objet des « avertissements » et 62 journalistes ont été suspendus de leur fonction. Certains évoquent même le plus grand massacre de la presse depuis la période de Chun Doo-Hwan, l’auteur du Coup d’état militaire après l’assassinat de Park Chung-Hee, feu le père de Park Geun-Hye.
http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/fraude-electorale-en-coree-du-sud-128678